Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur : la peur de perdre le pouvoir pour ceux qui l’exercent, et la peur des matraques pour ceux que le pouvoir opprime…
Aung San Suu Kyi
C’est ici, au 54 de cette avenue, au bord du lac Inya, que vit Aung San Suu Kyi. C’est là qu’elle a passé 15 années en résidence surveillée. Je me suis arrêté devant sa maison lors de ma (longue) promenade d’hier, dans le nord de Rangoon.
La veille, j’avais pris le ferry pour traverser la Yangon River et me rendre sur l’autre rive, à Dahla, un quartier très pauvre de Rangoon. J’y ai vu des gens vivre dans des conditions terribles, logés dans des cabanes plantées directement dans l’eau. Ici, tout manque. Le revenu par habitant est l’un des plus faibles au monde, la situation est vraiment catastrophique.
Et pourtant, ce qui m’étonne, c’est que personne ne me sollicite, personne ne me demande d’argent. Partout, je suis accueilli avec le sourire, avec bienveillance.
J’ai rencontré des responsables locaux de la National League for Democracy (le parti d’Aung San Suu Kyi), investis dans un programme d’éducation pour les plus démunis. Peu de moyens, mais une énergie et un courage impressionnants.
Je porte désormais un t-shirt à l’effigie de « The Lady », et les gens sont heureux de voir qu’on partage, même modestement, leur cause. Une famille m’a même reçu chez elle pour me montrer des photos d’Aung San Suu Kyi, puis m’a offert une bouteille d’eau en partant. Ils sont admirables de générosité.
Je dois récupérer tout à l’heure (normalement) mon visa pour la Chine. Je suis allé à leur ambassade en début de semaine, où j’ai dû remplir plusieurs pages de formulaire (véritable interrogation écrite !) avant un entretien privé dans un salon feutré. Il a fallu répondre à tout un questionnaire, notamment sur mes activités. Bilan : deux heures sur place !
J’ai renoncé à l’idée de quitter la Birmanie par la route : trop compliqué. C’est possible, mais uniquement sous escorte (payante) — 300 euros — ou bien en avion depuis Mandalay, via une agence gouvernementale (re-300 euros). Dans les deux cas, c’est de l’argent pour la junte. Finalement, j’ai réussi à acheter en ligne, en une heure, un billet Rangoon – Kunming pour le 25, avec China Eastern, pour moitié prix.
Le sport quotidien en Birmanie, c’est de faire en sorte de donner le moins possible au gouvernement, et de faire vivre les habitants. Manger dans la rue, privilégier les petits commerces, les guesthouses. Sinon, tout est racket : les visites, le ferry (interdiction d’utiliser les pirogues à moteur), le train…
À propos du train : je prends le premier demain matin, à 6h, pour Mandalay.
