« En balade ? vous allez loin ? », « Oui en longue balade, je vais à Santiago de Compostella ». « Ah ! En effet, ça fait loin, moi je pourrais pas marcher comme ça des heures, et puis en plus tout seul. Ceci dit j’ai jamais essayé, faut voir, peut-être un jour ! ». Dialogue de ce matin avant mon départ de Zambujeira do Mar avec un sympathique couple de savoyards que j’ai croisé devant l’office du tourisme. « Il faut avoir du temps pour faire ça ou être en retraite, mais vous n’êtes pas en retraite !? « En fait, je fais les deux, souvent, je prends du temps et je me mets en retraite, depuis une dizaine d’années ». « Ah bon, faut pouvoir quand même ! », « non, plutôt vouloir et prendre quelques décisions ». « Ah bon » ….
La solitude, se mettre en retrait, autant de peurs qui reviennent dans les discussions. Et pourtant, quelle heureuse opportunité à travers la marche au long cours de se retrouver et de changer de rythme.
Je vous ai quitté à Aljezur au terme de ma troisième étape et je suis maintenant à Almograve. J’ai déjà parcouru un peu plus de 140km sur cette magnifique Côte Vicentine. Chaque jour est un émerveillement, avec parfois quelques difficultés, comme dimanche lors de l’étape Aljezur – Odeceixe. Sur le papier tout semblait assez simple mais je me suis mélangé « les pinceaux » avec les couleurs. Le chemin historique, qui est aussi le GR11-E9, (c’est à dire que depuis le Cap St-Vincent vous pouvez marcher jusqu’à St-Petersbourg !), est balisé en rouge et blanc. Et puis à un moment, il y a le GR13 « Via Algarviana » qui arrive soudainement et sème le doute, balisé en rouge et blanc aussi, et la « Rota Vicentina », balisée en vert et bleu. Bref, 18 + 6 = 24km à l’arrivée, avec des zigs et des zags, des montées (longues) et des descentes (trop courtes).
Sur la côte, depuis Odeceixe, tout semblait beaucoup plus simple, avec un unique chemin et un balisage, celui de la « Rota Vicentina ». C’était trop beau ! je partais donc confiant et concentré sur les deux traits vert et bleu, en direction de la plage, pour suivre ensuite la côte. Sauf que, en longeant la rivière, qui suivait le même itinéraire, je me suis rendu compte à l’embouchure que j’étais tout simplement … du mauvais côté !! Une seule solution, traverser !! coup de chance, ce n’était que le début de la marée montante et le niveau de l’eau n’arrivait qu’au niveau de mon short. Un peu plus tard et j’étais bon pour quelques kilomètres de plus …..
Après cet épisode, j’ai commencé à marcher sur la corniche et là je peux vous dire que c’était tout simplement époustouflant, le spectacle était grandiose, la succession de falaises et de plages sauvages est d’une grande beauté, j’ai adoré. Retenez cette randonnée, elle vaut le déplacement : Odeceixe – Zambujeira do Mar, 20km de pur bonheur. A l’arrivée, j’ai trouvé une chambre dans une petite guesthouse (Alojamento Local), pas très loin de la plage, et j’ai pu enfin plonger dans les vagues de l’océan. Un régal au terme d’une très belle journée.
Je vis des instants merveilleux, la nature est superbe, j’ai vu aujourd’hui des nids de cigognes surplombant des falaises et une cigogne, majestueuse, trônant sur un pic au-dessus des flots. J’ai fait aussi une rencontre impromptue avec un cobra !! un cobra rateira (The Montpellier Snake), il peut faire jusqu’à 2 mètres et il est tout à fait inoffensif pour l’homme. Je venais de faire sa découverte sur un panneau de présentation des reptiles présents sur cette côte en pensant peut-être en croiser un et gagné !! il ne s’est pas passé un quart d’heure avant que par mégarde je marche sur l’un deux, petit, pas plus d’un mètre et d’une belle couleur vert émeraude. Séquence émotion !
Demain, je continue ma route vers Porto Covo, le chemin emprunte, sur la fin, des dunes, j’ai déjà commencé à marcher sur le sable (ponctuellement), mais il paraît que plus au nord c’est plus sérieux. Je vous raconterais. J’ai bien fait d’opter pour un petit sac à dos, un « Deuter » 26l. Avec appareil photo, l’eau (quand j’en ai !) et l’ordi, je n’ai pas plus de 9kg à porter. Et j’ai déjà dû en parler précédemment, les bâtons sont ici indispensables, la randonnée sur cette côte est très sportive.
L’heure pour moi d’aller maintenant récupérer avec une bonne nuit.
Demain c’est à nouveau « Bom Dia » !! et « Bem-Vindo » !! dans ce beau pays.
A bientôt. Portez-vous bien.
« Marcher, c’est retrouver son instinct primitif, sa place et sa vraie position, son équilibre mental et physique. C’est aller avec soi, sans autre recours que ses jambes et sa tête. Sans autre moteur que celui du cœur , celui du moral »
Jacques LANZMANN – Ecrivain